Je ne suis pas obèse, je ne suis pas concerné
Par Alexandra Palao |
25 avril 2022
L'obésité parle de chacun d'entre nous
"Personne ici n'est obèse" me dit avec un grand sourire un ancien élu.Je partageais à un petit groupe mon engagement pour œuvrer à découvrir de nouvelles pistes de prévention de l'obésité.
Quoi? Comment? Je suis en train de parler d'un enjeu sociétal et on a répond avec un "argument" individualiste?
L'enjeu n'est pas ici notre ego. Ce n'est pas de se gausser de réussir à garder la ligne, à se flatter de résister aux sirènes de l'alimentation industrielle.
Je m'adresse ici à des personnes en capacité d'allouer un budget alimentaire qui leur permet d'accéder à des produits de qualité. Qu'en est-il du reste de la population?
Une réponse symptomatique du rapport de chacun à l'obésité.
Il y a d'un côté les obèses qui souffrent, s'isolent.
On peut distinguer l'obésité sociale et l'obésité qui relève de troubles des conduites alimentaires.
Les uns comme les autres s'enferment dans des comportements ayant souvent intériorisé l'image sociale de l'obèse : "sans volonté, méchant, paresseux...etc".
Il y a les autres. Ceux qui sont préservés. Pour le moment. Qui ne se sentent pas concernés par le problème. Presque fiers d'être dans une norme pondérale.
Peut-on le reconnaître avec lucidité ou allons-nous continuer à nous cacher notre co-responsabilité?
"Les sociétés contemporaines créent des obèses mais elles ne les supportent pas"
jean Trémolières
Nous sommes tous concernés.
Car le fait même de garder à distance, de juger, de STIGMATISER les personnes en souffrance avec leur poids parle de nous. De notre rapport à l'autre et à notre propre souffrance.
Cela parle de notre difficulté à nous apporter du soin. A nous connecter au coeur.
Nous sommes devenus des robots qui agissons, jouons des rôles dans la société. Désincarnés, nous nous identifions à l'apparence de notre corps, qui est dans une "norme".
« L’obésité est un problème social parce qu’elle touche de façon socialement différenciée les populations.(…). Parce qu’un grand nombre de personnes concernées souffrent du regard et des condamnations sociales qui pèsent sur elles. Elles n’endurent pas seulement les éventuelles conséquences physiques de cet état, mais également leurs conséquences sociales ; elles sont mal considérées, parfois discriminées. Elles se sentent mal aimées, et, pis, indignes d’être aimées ».
JP Poulain, Sociologie de l’obésité.
JP Poulain, Sociologie de l’obésité.
Le désamour envers les gros contribue au développement de l'obésité. Et nous éloigne, me semble-t-il, de la compréhension de ce qui se cache derrière des comportements en apparences dysfonctionnels.
Juger l'autre pour ses manques, son incompétence flatte notre ego.
Sortons de cette dynamique patriarcale, de cette posture d'expert que nous cultivons, pour mieux comprendre, mieux accompagner.
Et plutôt que de dire "cessez de manger comme des goinfres" (un commentaire reçu sur Instagram qui pourraît être celui d'une maman envers ses enfants), essayons de comprendre pourquoi les personnes mangent.
Sortons de cette dynamique patriarcale, de cette posture d'expert que nous cultivons, pour mieux comprendre, mieux accompagner.
Et plutôt que de dire "cessez de manger comme des goinfres" (un commentaire reçu sur Instagram qui pourraît être celui d'une maman envers ses enfants), essayons de comprendre pourquoi les personnes mangent.
Se connecter à la souffrance de l'autre m'oblige à me connecter à la mienne...
Pour avancer sur cette voie, l'AUTOCOMPASSION est la CLÉ.
Car se connecter à la souffrance de l'autre m'oblige à me connecter à ma propre souffrance.
La science de l'autocompassion parle de DOULEUR DE LA CONNEXION, cette détresse empathique qui fait que nous ressentons la douleur de l'autre comme la nôtre.
Alors nous rejetons, mettons à distance. Pour ne pas souffrir.
Il existe une autre voie qui nous invite à nous relier les uns et autres quelque soit notre poids pour réapprendre à vivre ensemble et porter un autre regard sur l'obésité.
Un processus qui va nous permettre de grandir, d'apprendre à prendre soin de nous, de nos peines, de notre façon d'Être.
Pour œuvrer ensemble à un monde meilleur où chacun a sa place.
Qu'en pensez-vous?
Merci pour votre attention et à lundi prochain!
Alexandra